Introduction
Les progrès spectaculaires en termes de compréhension et de génération du langage ont créé un engouement massif pour l’intelligence artificielle. Toutes les entreprises cherchent comment intégrer certaines de ces technologies dans leurs produits, leurs processus, leurs services. Les gouvernements rivalisent d’annonces. Les investissements sont considérables, au moins autant que le nombre de publications sur Linkedin.
Ces récents développements sont en partie dus à une technologie initialement développée et rendue publique par une équipe de Google, les Transformers. OpenAI a été la première entreprise à comprendre et à exploiter le potentiel de cette architecture de réseau de neurones et l’a appliquée à la génération de texte à travers ses modèles successifs GPT.
Effet fusion nucléaire
Ce que j’appelle ici l’effet de fusion nucléaire est le fossé qui sépare les attentes et les annonces quant à la fusion nucléaire et la réalité de la fusion nucléaire.
La fusion nucléaire offre une manière propre (relativement) de produire une énergie en quantité considérable. Le concept existe depuis des dizaines d’années, et depuis peu, plusieurs réacteurs expérimentaux ont permis d’atteindre et de maintenir les conditions nécessaires à la réaction de fusion nucléaire.
Malgré cela, nous sommes encore loin d’une utilisation industrielle de la fusion nucléaire.
Parallèle avec l’Intelligence Artificielle
De la même manière, il existe une différence notable entre les preuves de concept de l’intelligence artificielle et les applications en pratique dans les entreprises.
Prenons un exemple pour illustrer. Imaginons que vous soyez une entreprise qui développe une place de marché en ligne. Des produits sont en vente et, régulièrement, vous envoyez un email à vos utilisateurs pour promouvoir certains produits. Pour vanter les mérites des produits promus, il vous faut rédiger un court texte pour chaque produit. Bien entendu, votre entreprise dispose d’une charte stylistique qu’elle doit respecter, elle utilise des tournures de phrase, de l’humour ou non, interdit certains mots, etc. Mais vous suivez les nouvelles technologies de près, et vous sentez que ChatGPT va pouvoir vous aider. Vous lui donnez une chance, décrivez le produit à propos duquel vous souhaitez rédiger un paragraphe, d’environ 5 phrases. La première génération est fade, insipide, inutilisable. Vous décrivez alors dans quel style vous souhaitez que ChatGPT rédige le texte. Le deuxième cru est meilleur, mais loin du compte là encore. Malin, vous décidez de lui donner un exemple de texte que vous avez rédigé, et vous lui demandez de s’en inspirer. Et là le texte est très correct. Le style est globalement respecté.
Néanmoins, le produit que vous promouvez n’est pas exactement celui que vous lui avez donné en exemple, et il vous faut effectuer quelques changements. Un mot par-ci, un mot par là. Environ 5 mots, un par phrase donc. Le problème est que les mots qu’il vous faut adapter sont en fait les mots qui représentent votre style. De plus, changer un mot dans une phrase qui n’en comporte qu’une dizaine n’est pas tellement plus rapide que de rédiger directement la phrase.
Je ne parle même pas du fait que ce travail est à peine automatisable, puisque si chaque texte demande vérification, correction puis revue, autant les écrire directement.
Morale
C’est de ça qu’il s’agit. ChatGPT, aussi puissant soit-il pour générer des morceaux de code (et il est vraiment bon pour cela), est en réalité plus proche des 3 secondes record de fusion nucléaire que de la production industrielle. L’intégration dans les systèmes des entreprises demande un effort significatif de la part des entreprises, et les résultats peuvent être décevants.
Je pense qu’il serait meilleur de considérer les nouveaux algorithmes et leurs mises à disposition par les entreprises qui les développent comme des preuves conceptuelles que certains problèmes peuvent être résolus, plutôt que comme des solutions définitives.